Je n'ai jamais su faire une division à la main, faire une ligne droite sans règle, prendre une décision sans la regretter. Et surtout, surtout, je suis incapable d'éviter
la comparaison, FOR FUCK'S SAKE. Je vais donner 2 exemples ici.
Ça m'a pris quand, après avoir inauguré ce blog trop d'la balle qui aura au maximum 4 lecteurs au cours de sa petite vie de blog, j'suis allée au super u d'à côté parce que la conne de chatte braie dès qu'on se lève dans l'espoir que sa gamelle se remplisse et c'est pas normal d'être normand et de pas avoir de crème dans son frigo, BORDEL!, ça m'a pris en regardant les gens. Les petits vieux regardaient mes piercings et mon tatouage et les jeunes mon manteau usé, mes insignes Mercedes sur les épaulettes et l'écharpe tricotée par ma mamie. Je regardais leurs caddies de petits vieux remplis de tripes à la mode de Caen, d'huile d'olive et cristalline et leurs cuisses d'adolescentes au diamètre avoisinant celui de mes avant-bras, leurs blackberry et leurs doudounes.
On se compare toujours et depuis toujours. A ses frères/soeurs, à ses pairs, à ce qu'on voit tout autour de nous. Dans ce monde d'images, il n'y a pas d'autre choix.
Mais chez moi, ça touche au pathologique. Je suis barrée comme meuf. Je supporte pas de faire les boutiques avec des potes, parce que je regarde tout d'un oeil jaloux. Je ne regarde que mon nom dans les listings de la fac, sinon je bade et m'autoflagelle pendant des plombes. Si quelqu'un me regarde dans le bus, ma gorge se serre. En famille, dès que les têtes se tournent vers moi ("
Et toi?"), je veux fondre avec ma chaise. Mais ça, ça reste encore de l'ordre du presque-normal.
J'aime me comparer à des fantômes.
J'en ai beaucoup. Tout le monde a au fond de sa tête (ou son coeur, ça dépend, t'es romantique ou lacanien?) un petit étang. L'eau est stagnante, glauque, et les queues des poissons effleurent des chairs qui pourrissent dans la vase. De temps en temps, tu vois une pellicule blanchâtre sous les remous, et là, tu as 2 solutions : soit t'es lâche, alors tu hurles et tu files te cacher sous ta couette, soit tu mets tes couilles sur la table (ou la margelle autour de ton étang) et tu mets les mains dans ta merde.
Moi, je suis lâche. Et toi?
Bien sûr, t'as des cadavres qu'ont toujours été là. Tes parents, entre autres. Je sens venir le cliché sur l'étudiante en psycho qui fait son coucou hebdomadaire à son clitoris devant quelque volume rébarbatif de Sigmund, fais-toi plaisir, c'est gratuit ; mais réfléchis-y, mon poussin.
Moi, c'est ma mère qui remonte le plus souvent. Pour un peu, elle m'attraperait par le bras et me noierait contre son sein. Car je ne sais pas dans quelle mesure mes comparaisons sont accurate.
Physiquement, nous avons un air de famille indéniable, bien qu'elle soit de taille average, très brune sous sa couleur blonde et bouclée, alors que je suis grande et que je tire plus sur le châtain, avec les tifs plutôt lisses. Tout le monde souffle à quel point je leur fais penser à elle en me voyant aujourd'hui ; sauf ma grand-mère, qui n'a jamais compris cette remarque.
Par contre, pas de souci pour nous rapprocher au niveau du poids. Comme il est de sens commun qu'un régime à base d'alcool et de lexomil est très bon pour maigrir, je l'ai vu dépasser les 120kg. Il paraît qu'aujourd'hui, elle en est à 60. Moi, j'oscille, je maigris souvent et vite (mais sans jamais perdre mes boobs légendaires, thank god!), pour reprendre après. Et j'ai appris cette semaine que j'ai du cholestérol. A 19 ans. Choueeeette.
Ma mère, je sais ce qui se passait dans sa tête, et c'est surtout là que se pose le problème : je lui ressemble. Je ne suis pas aussi mauvaise, ni aussi garce et manipulatrice. Mais je partage nombre de points qui me font aujourd'hui vomir, et ça m'effraie. Ça me broie jusqu'aux os, et je me retrouve à suffoquer sous le poids de d'une hérédité qui semble me courir dans les veines.
M. Poil, ça le rend fou (M. Poil, c'est le monsieur qui me colle des frissons partout et partage mon appart' depuis plus d'un an ; si tu voyais le morceau, tu comprendrais tout de suite le nickname). Il ne peut rien car je ne lui dis rien. Ça ne l'empêche pas d'essayer de me remettre les commandes en main.
"
Mon chat, si tu fais la comparaison avec ta mère, c'est que justement t'es différente. Ta mère elle est barge et bornée, toi, tu réfléchis, t'es capable de ravaler ton venin, même s'il faut des heures d'engueulades pour que t'y arrives. J'te dis, si tu compares, c'est que tu sais qu't'es pas comme elle."
Si c'était aussi simple, mon amour. Aujourd'hui encore, dans mes traits, je cherche les yeux gris de mon père, la courbe de sa mâchoire, sa pudeur et ses colères froides que j'ai toujours admiré. Les miennes sont furie, vaines, destructrices.
Telle mère, telle fille. Je ne veux pas finir par noyer des cachetons dans du pastis en délirant en laissant mes enfants crever de faim dans la merde de chat dans un appart' sans eau chaude.
Comme elle, je fume. Je suis incapable de l'affronter. La couardise me détruit.
Mais si y'avait que le background familial, les relations oedipiennes et autres trucs funky du genre, tu te doutes bien que ce serait trop facile.
Je me compare avec chaque meuf que je peux croiser dans ma vie. Le pire, c'est l'ex de M. Poil. Je la considère aussi comme un fantôme, du fait que je ne la connais pas directement. Et que sans même le savoir, elle me hante souvent, lorsque je regarde l'homme avec qui je vis et que je me rappelle ce qu'il m'avait dit. Cette nana, c'est un peu ce que j'aimerais être, un peu ce que je déteste, quelque chose qui m'irrite au fond de la gorge et me fait tousser, tousser, tousser à chaque goulée d'air. C'est une visiteuse assise sur ma margelle, qui me prend la main en souriant pour que je m'approche des morceaux de corps remontés à la surface, me susurre "
Regarde et confesse-toi.".
Faut dire que ça avait mal commencé, et ça c'est ma faute, I know. M. Poil et elle sont restés très proches, no prob by me. Mais avoue que c'est agaçant sa mère quand ils se téléphonent qu'en lousdé. Anybref, ma jalousie c'est un autre problème typiquement ovarien.
Passons sur la comparaison physique, parce que ça c'est juste universel, dès que t'as une paire d'ovaires tu te sens obligée de faire le tableau.
Les études, c'est un peu le beginning de la comparaison de merde qui te fait te sentir comme un hardeur qui bande plus. Prépa, puis une L3 obtenue avec mention TB. Je me sens petite à côté, mais relativisons : j'ai un an de moins et je suis en L3, cette année, et je pensais m'en tirer avec une mention B en me sortant un peu les doigts du cul. Où qu'il est le souci, et pourquoi tu mets "penser" à l'imparfait que tu te demandes, sweetie? Parce que ça pue du cul de tomber par hasard (no fake, j'ai vraiment pas fait exprès -pour une fois) sur un texto disant, en substance, "
Je suis sûre que j'ai fait mieux que Synapse en bossant carrément moins qu'elle!".
It hurts. It hurts parce que là, en plein dans ta gueule, tu te prends toutes tes faiblesses. Et le mépris gratuit. Tu ressasses pourquoi t'étais pas capable d'attaquer une prépa, pourquoi tu t'es lancée dans une filière au hasard, pourquoi t'es là. Pourquoi t'es pas brillante, toi, la fille de ta mère. Sois brillante. Ferme ta gueule, et sois brillante.
J'aurais pu m'arrêter là. Après, je compare son couple et mon couple. Je note ce qui a changé chez moi et chez lui depuis la première fois, quand nous avions respectivement 15 et 16 ans. Je me demande ce qu'elle a changé chez lui. A quel point il l'a aimé. Il a toujours ses cours dans un casier. Elle a toujours ce qu'il lui a écrit. Moi, j'ai du tout perdre il y a 2 ans passés, tout ce qu'il me restait de nous avant. Quand je lui demande de m'écrire, comme avant, il me demande ce que j'entends par là. Tout ce que j'écris pour lui reste donc dans un dossier. De toute façon, il n'arrive pas à me relire.
Je me demande si ce qu'elle pense est sincère lorsqu'elle lui demande s'il ne répond parce que je supprime ses textos en cachette. Et pourquoi il ne lui répond pas, ne me défend pas. Il me dit que ça n'en vaut pas la peine. Elle est convaincue que je la déteste : en fait, je me sens juste petite et conne et méprisable et j'aimerais savoir.
Parfois ça passe. Quand il me réveille en pleine nuit pour me prendre dans ses bras, qu'il me galoche comme à la fin du monde, qu'il me baise jusqu'à la moelle en murmurant à mon oreille à quel point il m'aime, que je suis son ancre dans cette ville qu'il hait. Quand il me mord alors que j'essaye de planter les griffes dans ses fesses en maudissant son mètre 92 qui m'empêche de les atteindre, que j'explose dans mon orgasme et qu'il étouffe le sien dans mes cheveux, je me sens mourir tellement je suis bien. Et je ne pense plus aux autres.
Souvent ça m'obsède et je me demande ce que je peux mettre sur mon crâne pour calmer cet eczéma, putain de fils de pute sa race.
J'ai son numéro dans mon répertoire, à cette nana. J'ai commencé un texto, plusieurs fois, pour faire marche arrière, et chaque fois ça me serre davantage le coeur et je me demande pourquoi je m'en empêche. Je n'ose pas lui dire à quel point cette rivalité, aussi futile et personnelle soit-elle, me pourrit. Quel motif égoïste pour un premier contact.
Et j'écoute
ça, en perdant 8 minutes de vie à chaque clope que j'allume entre mes lèvres.