Depuis ma première année le cul posé sur ces horribles chaises d'amphi de la fac de Rouen, j'ai participé à toutes les études d'étudiants en master/doctorat. C'est bon pour ton karma, j'me disais. T'aides les seonbae à trouver des sujets, comme ça quand toi tu chercheras des gens pour un Rorschach (à l'époque, je pensais m'orienter en clinique/patho) ou quoi, t'en trouveras.
Jusqu'ici, j'ai passé 4 expériences. La première collective, on avait un boîtier qu'utilisent les aveugles sur un ordinateur -un certain nombre de picots se lèvent sous ton index selon là où ta souris se trouve- et une tablette. Il fallait se balader à l'aveugle sur la tablette, quand on croisait un objet, les picots se levaient. Fallait déterminer si tu "touchais" un autre sujet ou un logiciel aux mouvements aléatoires.
Ensuite, même expérimentateur et même dispositif en solo. Après un questionnaire de latéralité un brin couillon ("lorsque vous tenez une batte de cricket, quelle main est en haut?", seriously, t'as déjà fait du cricket toi? Pour la petite histoire, la nouvelle version de ce test remplace la batte par un balai et c'est tout aussi chiant à répondre, mine de rien), il fallait déterminer si je touchais des lignes longues, courts ou medium, et quelle était leur orientation.
C'est cette année que j'ai fait mon premier électroencéphalogramme. C'est-à-dire qu'on te fout une espèce de bonnet de main sur la gueule un peu comme ça :
Pis on recouvre ton crâne de gel conducteur et on te branche 32 électrodes.
Imagine ta gueule quand on te retire ce dispositif. Ouais, ça vend du rêve. Mais c'est pas grave, parce que sur le pc tu vois à peu près ça:
Et c'est juste monstrueusement chouette de voir ton cerveau en action.
Auparavant, j'ai dû me taper une batterie de test bien relou. Test de latéralité, Stroop, mesure de l'empan... Pour ensuite me retrouver derrière un rideau, face à un écran et un clavier datant au minimum de 1992, dans le noir, le menton et le front calé dans une structure que t'aurais jamais imaginé trouver ailleurs que chez ton ophtalmo. La tâche en question était de déterminer si les mots et visages présentés t'étaient familiers (on te les présente plusieurs fois avant le début du test) ou non.
Après, tu t'éclates à te laver les cheveux dans le lavabo des toilettes et tu ressors trempée, glacée, mais heureuse d'avoir aidé la science.
Et hier, j'ai participé à mon deuxième eeg, et je sais pas si j'en referais un un jour.
Passons sur la pose du casque, le gel qui dégouline sur le cuir chevelu.
Imagine 2h30 dans le noir face à un écran tout vieux. Sur cet écran de merde, juste 2 lignes de texte blanc et un point blanc de durée variable. Tu sens la migraine qui pointe?
De plus, c'est bien chouette le dispositif pour caler ta tête et éviter de bouger pendant l'expérience (même si le noir et le texte qui t'éclate les yeux te fait méchamment bailler/cligner des yeux à chaque fois qu'il faut surtout pas bouger). Sauf quand tu tombes sur LA chaise bloquée. Qui ne se lève pas. Et que tu te retrouves dans une position invraisemblable, la gueule en l'air avec le bout du menton sur une barre en plastique, le dos tordu sa race, le bureau qui te bouffe les avant-bras.
Mais ça, à la rigueur, c'est pas ça le pire. Un eeg, ça prend toujours entre 2 et 3h, voire plus. Quand t'es avec des mecs nice, ils t'offrent même du thé et des gâteaux. A mon premier eeg, on m'a même filé un sachet de bonbons Glup's.
Le pire du pire, c'est de se faire enfermer dans un laboratoire. J't'explique : le labo ICONES, c'est un bâtiment de 3 étages, avec plein de salles d'expérimentation dedans. Ben quand tu finis à 19h, et que le dernier thésard s'est cassé, tu te retrouves enfermé dedans.
La loose. Le pauvre master 1, il savait plus où se mettre.
- J'ai plus de batterie...
- J'ai plus de crédit...
Chouette.
Du coup, intelligemment, on s'est barrés au sous-sol. Genre y'a une porte de secours au sous-sol.
D'autant plus qu'un sous-sol dans le noir, y'a rien de plus badant. On s'attendait à voir débarquer des zombies et finir crevés comme les blondes d'un mauvais survival horror.
Soit dit en passant, les couloirs dans le noir sont flippants sa mère aussi.
On a fini, au bout d'une demi-heure à frôler le nervous breakdown et en commençant sérieusement à envisager de trouver un coin pour passer à la chaleur d'un vieux pc, on a trouvé une sortie de secours au deuxième étage. Un vieil escalier en colimaçon, avec interstices entre les marches et balustrade branlante.
Je t'ai déjà dit que j'avais le vertige rien qu'à monter sur une chaise?
Je suis rentrée chez moi toute tremblante sur mes pattes, de la boue jusqu'à mi-mollet (bah ouais, quand t'as la trouille tu veux retrouver la terre ferme au plus vite, or en Normandie, faut s'attendre à ce que la pluie t'offre une superbe flaque de boue en bas d'un evil escalier of doom). Sans bonbons, les cheveux trempés, encore du gel conducteur sur le crâne, la marque des 3 électrodes du lobe frontal imprimée sous ce qu'il restait de ma frange. Avec la ferme intention de ne plus jamais foutre un pied dans un labo si ce n'est celui du bâtiment principal des Sciences, là-bas au moins, y'a des rats et les bureaux des profs sont pleins de posters Star Wars.
La science, c'est de la merde.