jeudi 30 mai 2013

"Je ne t'aime plus."



C'est ce que m'a dit M. Poil jeudi dernier à minuit et demi. Il ne m'aime plus.

Quand on t'annonce qu'on ne t'aime plus, tu ne peux rien faire. Tu n'as pas de quoi te mettre en colère, car ce n'est la faute de personne. J'ai bien essayé d'attendre son retour, mais il m'a bien fait comprendre que sa décision est définitive. Alors t'arrêtes de dormir, de bouffer, tu regardes les bouteilles qui te murmurent au creux de l'oreille que ça te ferait pioncer et tu penses à ta mère devenue tarée et ton père qui prend le même chemin. Tu cherches dans tes contacts quelqu'un qui pourrait te refourguer le numéro d'un dealer, mais tu ne connais personne à Rouen. Tu adoptes donc le réflexe le plus con et inutile du monde : tu chiales ta race. Tu peux rien faire d'autre anyway.



Tu pleures au téléphone. Avec ton ex (ça, tu commences à peine à le penser, hors de question de le prononcer), avec tes potes, avec ta famille, avec le doctorant qui encadre ton mémoire. Tu pleures tout le temps.

Soudainement, t'as l'impression que ça va mieux, mais quand M. Poil passe récupérer quelques affaires, tu pleures encore plus. Tu lui dis qu'il est beau et tu meures d'envie de foutre le nez dans son cou, de lui choper la bite, de lui hurler que tu l'aimes, de lui rouler des patins dégueulasses, mais il ne veut même pas s'asseoir à côté de toi sur le canapé. Tu dors la gueule écrasée dans son oreiller.

Dans l'appart, il est partout. Dans la toile de Dark Vador au mur. Dans ses fringues qui pendent du tancarville. Dans le perfecto sur la chaise du bureau, qu'il t'a offert pour tes 19 ans. Dans la basse à tomber par terre dans le coin du salon, offert il y a même pas 2 mois pour tes 20 ans. Dans tes bijoux, tes propres fringues, dans chaque objet qui traîne.

Et quand tu le vois, tu peux pas t'empêcher de lui poser des questions de merde.
Je t'ai rendu heureux?
Tu retiens quoi de moi?
Tu m'oublieras?
Tu regrettes?
Tu ne penses plus du tout à moi?

Tu tends le bâton pour te faire battre et t'en redemandes.
En attendant, tu dois résumer un article de 45 pages à rendre dans une semaine, tu dois chercher un stage, et un nouvel appartement. Suffisamment grand pour garder tes animaux, suffisamment étroit pour ne pas excéder 450€ de loyer. Mais comme t'es conne, tu regardes les 3 malheureuses photos que tu as avec lui, tout le temps, et tu te passes en boucle la vidéo de tes 20 ans où il t'embrasse comme un taré.

On te dit que t'es jeune et que t'en auras d'autres. Ils ont beau avoir raison, t'as juste envie de leur éclater la gueule, parce que celui que tu veux, tu le regardes partir en sanglotant.

Tu cherches ce que t'as fait et tu te mets à te haïr, toujours plus. Parce qu'il n'y a personne à blâmer, mais qu'il est trop difficile de se résoudre à avancer.

Tu pleures, tu bouffes plus, tu dors plus, tu ne sors plus de cet appart qui est plein de vous, votre histoire, et qu'est-ce que tu l'aimes et qu'est-ce qu'il te manque.